Pourquoi la stabilité émotionnelle est essentielle pour manager aujourd’hui.
D’abord, je souhaiterais tordre le cou à l’idée que l’expression de ses émotions est un défaut pour un manager. Il ne faut pas confondre stabilité émotionnelle et insensibilité. Un manager qui est sensible aux émotions des autres est empathique et un manager qui sait par l’expression de ses propres émotions – non feintes bien entendu – vibrer à l’unisson de ses équipes, fait preuve de charisme. En étant empathique, un manager est capable d’appréhender des situations dans lesquelles les émotions ont un rôle essentiel. Par exemple, un événement tragique – comme un accident du travail – qui affecte une équipe ou encore une situation sociale déstabilisante, comme une restructuration. Prenons l’exemple de la restructuration, être sensible aux émotions des autres permet d’adopter les mots, le ton, les postures qui font autant pour la cohésion et la résolution des problèmes que le fond lui-même. En ce qui concerne le charisme, chacun aura en tête des leaders, comme Elon Musk le fondateur de Tesla ou Steve Jobs, le fondateur d’Apple. En faisant appel à leurs émotions, ils font tout autant passer leur vision avec sincérité et force de conviction. Quelle soit acquise ou innée, la sensibilité est une capacité.
La stabilité émotionnelle est également une capacité. Elle est souvent définie comme l’aptitude à rester calme quand on vit une situation stressante. L’image qui me vient en tête est celle du canard qui remue ses pattes palmées pour avancer sous la surface de l’eau tout en paraissant se mouvoir élégamment et sans effort pour un observateur situé sur la rive. Il ne s’agit pas de déguiser ses sentiments, mais de ne pas agir et parler sous le coup de certaines émotions limitantes qui naissent sous l’effet d’un stress. Ces émotions, selon la classification qu’en a fait le psychologue américain Paul Elkman en 1972 sont au nombre de 6 depuis l’enfance : la peur, la colère, le dégoût, la tristesse, la joie et la surprise. Plus tard en 1990, il a ajouté pour les adultes surtout l’amusement, la satisfaction, la gêne, l’excitation, la culpabilité, la fierté dans la réussite, le soulagement, le plaisir sensoriel, la honte et le mépris.
Pourquoi est-il essentiel qu’un manager fasse preuve de stabilité émotionnelle ?
- Parce que certaines capacités managériales, conduire une équipe, prendre une décision, arbitrer un conflit, donner confiance aux autres, dynamiser son équipe, paraître juste en toutes circonstance, sont annihilées lorsque les émotions limitantes prennent le dessus.
- Parce que la situation n’est pas stressante en elle-même, c’est la perception qu’en a le manager qui crée le stress. Par exemple, un conflit social n’a pas le même impact sur une personne qui en a déjà managé plusieurs avec succès et sur une autre qui anticipe que cela se passera mal.
- Enfin parce que la situation qui provoque un stress chez le manager peut être normale pour ses collaborateurs, ses pairs ou ses supérieurs. Dans ce cas, le manager sera jugé instable. Si au contraire, il ressent de la joie, du soulagement, de la colère en même temps que les autres et trouve les mots pour les exprimer, il sera jugé charismatique. S’il ne ressent pas personnellement le stress d’un salarié mais qu’il sait le percevoir et s’y adapte, il sera jugé empathique.
La frontière est donc fine, souvent même perméable, entre charisme, empathie et stabilité émotionnelle. Les fondateurs d’Apple et de Tesla, dont j’ai parlé plus haut, semblent avoir fait principalement preuve de charisme, parfois d’empathie et plus rarement de stabilité émotionnelle. Selon la biographie de Steve Jobs par Walter Isaacson, le génial inventeur et visionnaire qu’était Steve Jobs a été introspectif tout en révolutionnant les conférences de presse à la manière d’un show digne de Las Vegas, injuste et conciliant avec ses collaborateurs le plus proches, profondément irritable tout en étant capable d’impassibilité. Le fondateur de Tesla a récemment défrayé la chronique avec ses tweets qui ont fait faire le yo-yo aux actions de son entreprise et donné des sueurs froides à ses dirigeants et actionnaires tant et si bien qu’il a dû accepter en avril de cette année de faire valider ses tweets liés au constructeur de véhicules électriques avant de les publier, dans le but de mettre fin à un litige avec le gendarme de la Bourse américain.
La stabilité émotionnelle est, en comparaison du charisme et de l’empathie, peut-être moins remarquable chez les grands leaders. Pourtant, comme nous l’avons vu, elle est essentielle pour manager des équipes.
Comment savoir si une personne est émotionnellement stable, par exemple lors d’un entretien d’embauche, d’une évaluation pour lui confier un nouveau poste ou une nouvelle mission ?
L’étude des préférences comportementales nous apporte une réponse. Les préférences, ou tendances, comportementales s’appuient sur la manière dont notre cerveau va filtrer l’information qui lui provient de l’extérieur en la sélectionnant en fonction de nos préférences et centres d’intérêts entre autres, puis en l’interprétant à l’aune de nos expériences, de nos croyances et de nos valeurs, et enfin à la modifiant (lecture de pensée, relations de causalité ou encore présuppositions). La PNL (programmation neurolinguistique) en s’appuyant sur les travaux de psychologues et thérapeutes du XXème siècle tels que Fritz Perls, Virginia Satir et Milton Erickson, a nommé ces processus répétés quotidiennement des milliers de fois par notre cerveau « métaprogrammes » car ils sont de nature automatisée tout en étant plus profonds (méta) que les comportements qu’ils suscitent. Les métaprogrammes sont souvent présentés en paires opposées : par exemple « aller vers – éviter ». Effectivement, ils décrivent une préférence comportementale (aller vers quelque chose ou quelqu’un plutôt qu’éviter) qui peut se révéler adaptée ou inadaptée en fonction du contexte. Par exemple, aller vers les gens est adapté pour exercer une fonction commerciale, éviter les accidents est essentiel pour un sapeur-pompier. Associés entre eux, les métaprogrammes permettent de diagnostiquer des aptitudes (ou préférences) comportementales qui – placées en contexte – seront utiles professionnellement. Par exemple, l’association « aller vers » / « référence aux autres » détermine l’ouverture aux autres. En effet, il existe – nous avons tous des exemples en tête – des gens qui vont facilement vers les autres mais qui font tout le temps référence à eux-mêmes, c’est donc bien l’association de 2 métaprogrammes qui permet de diagnostiquer d’un comportement souhaitable.
En ce qui concerne la stabilité émotionnelle, il s’agit d’associer 2 métaprogrammes : « s’orientation solution » et « trouver ses ressources dans le présent ».
Le métaprogramme « s’orienter solution » fonctionne en paire avec son opposé « s’orienter problème ». Déterminer ce qui ne va pas, ce qu’il faut changer, peut paraître une capacité essentielle pour un manager. C’est partiellement exact. Il est utile d’avoir conscience des problèmes, mais il est risqué d’y consacrer trop de temps. Le cerveau n’ayant pas acquis, au cours de son évolution qui a amené le langage, la capacité de se représenter une non-chose (autrement dit quelque chose que l’on ne veut PAS), le seul moyen que nous avons de ne PAS vouloir quelque chose est d’y penser très fort. Par exemple, quelqu’un dont l’objectif est « d’arrêter de fumer » se représente forcément en train de fumer. SI je vous dis « ne pensez pas à une girafe verte », je suis sûr que vous commencez à vous représenter une girafe… verte ! À l’opposé, quelqu’un dont l’objectif est de faire du sport se représente en train d’en faire. Il s’oriente donc vers ce qu’il veut. S’il veut faire du sport au lieu de fumer, il est donc orienté « solution » et pas « problème ». D’une manière systématique, il est essentiel pour être stable émotionnellement de se représenter la solution et pas le problème, car c’est la solution qui est associée aux émotions positives et aidantes, tandis que le problème est associé à des émotions négatives et limitantes.
La seconde paire de la stabilité émotionnelle est : « trouver ses ressources dans le présent/trouver ses ressources dans le futur ». Un manager qui, pour se donner l’énergie d’agir, la motivation d’entreprendre et la capacité à entraîner les autres, fait référence à l’avenir sera sans doute – pour lui-même – un visionnaire, il fera appel à des ressources qu’il puise dans l’avenir : le succès, l’argent, le bonheur de la réussite. Dans le cas d’un manager qui puise ses ressources dans le présent, l’énergie d’agir, les motivations et les capacités sont ancrées dans l’état actuel des choses. Si soudain advient une difficulté – un imprévu, un échec – qui crée un stress émotionnel, ladite difficulté sera perçue par le manager qui trouve ses ressources dans le futur comme un obstacle qui le coupe de sa source d’énergie et crée – selon les circonstances – colère, découragement ou honte parfois tournée contre les autres : mépris. Pour le manager ancré dans le présent, la même difficulté ne le coupe pas de sa source d’énergie et de motivation puisqu’elle n’est pas entre elle et l’avenir.
Enfin, il est utile de savoir que les comportements – et les métaprogrammes eux-mêmes – ne sont pas définitivement acquis et qu’ils peuvent être modifiés. La stabilité émotionnelle, comme l’ouverture aux autres ou encore la force de conviction ou l’adaptabilité peuvent se développer, dans un contexte professionnel par exemple, notamment par des formes d’accompagnement personnel comme le coaching ou la méditation.
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